Bioprotection ou sulfitage à l'encuvage : quel effet sur une vendange dégradée ?

Modifié le 12/04/2023

Résultats d'essai portant sur une vendange altérée avec tests de levures de bioprotection et différentes doses de sulfitage

Bioprotection ou sulfitage à l'encuvage : quel effet sur une vendange dégradée ?

L’Institut Rhodanien poursuit ses travaux sur l’impact de la bioprotection des moûts sur la qualité des vins. Lors du millésime 2022, différentes levures de bioprotection et différentes doses de SO2 ont été testées en vinification rouge traditionnelle dans une démarche de réduction des intrants.


En œnologie, le SO2 est l’additif le plus utilisé depuis le XVème siècle pour sa protection contre l’oxydation et le développement de microorganismes indésirables pouvant impacter la qualité du vin. Mais face à la demande croissante des consommateurs désirant des produits avec moins d’additifs chimiques, la limitation de l’utilisation des sulfites est une priorité pour la filière vinicole.

 La bioprotection consiste à apporter des microorganismes sélectionnés pour occuper le milieu écologique et limiter le développement de flores indigènes indésirables. Elle constitue une alternative naturelle applicable à la matière première dès la récolte. Il existe de nombreuses souches bioprotectantes sur le marché des produits œnologiques. L’objectif de ce projet est d’évaluer quelques-unes de ces souches vis-à-vis des microorganismes indésirables. 

L’effet de trois espèces de levures en bioprotection et différentes doses de SO2 à l’encuvage ont été étudiées sur une Syrah présentant un état sanitaire dégradé. Après récolte, la vendange a été homogénéisée et répartie en 5 cuves (Tableau I). Deux cuves (modalités 1 et 2) ont été sulfitées aux doses de 4 g/hL et 8 g/hL. Les trois autres cuves ont été ensemencées avec les levures de bioprotection (Metschnikowia pulcherrima, Torulaspora delbrueckii, Saccharomyces cerevisiae). Toutes les modalités sauf la modalité 3 ont ensuite été ensemencées avec une levure Saccharomyces cerevisiae pour la réalisation de la fermentation alcoolique (FA).


Tableau I : Modalités mises en œuvre à la cave expérimentale

Modalité 1

Modalité 2

 

Modalité 3

 

Modalité 4

 

Modalité 5

 

4 g/ hL de SO2

(Bisulfite de potassium liquide 10%)

8 g/hL de SO2 (Bisulfite de potassium liquide 10%)

Saupoudrage Saccharomyces cerevisiae 10 g/hL

Saupoudrage 5 g/hL de Metschnikowia pulcherrima

Levain 25 g/hL
Torulaspora delbrueckii

 

Des prélèvements ont été réalisés à l’encuvage, au début, à la moitié et à la fin de la FA pour évaluer l’impact des levures de bioprotection et du sulfitage sur les flores présentes.


Des flores d’altération bien présentes


Les contrôles microbiologiques après encuvage de la vendange montrent une population importante de levures Hanseniaspora uvarum (supérieure à 105UFC/mL). C’est une espèce dominante de la flore du raisin. Mais, elle est productrice d’acide acétique et d’acétate d’éthyle donc indésirable. De plus, les bactéries acétiques sont également bien présentes (5.5 104 UFC/mL)).


Une forte dose de SO2 n’est pas nécessaire face aux flores d’altération


L’identification des souches de levures à la mi-fermentation montre une très bonne implantation de Saccharomyces cerevisiae (supérieur à 99%) pour la modalité sulfitée à 4 g/hL. Pour la modalité 8 g/hL, Saccharomyces cerevisiae a colonisé le milieu (à 90%) mais Hanseniaspora uvarum est encore détectée à 10%. [EC1] De plus, les dénombrements montrent une baisse de la population d’Hanseniaspora uvarum pour la modalité sulfitée à 4 g/hL alors qu’elle se maintient pour la modalité sulfitée à 8 g/hL (figure 1). Ces données confirment qu’il faut ajouter des doses raisonnables de SO2 afin de maintenir une quantité de SO2 libre suffisante pour protéger le mout.

Les dénombrements réalisées au début et à la mi-fermentation montrent une baisse importante de la population d’Hanseniaspora uvarum pour la modalité sulfitée à 4 g/hL alors qu’elle se maintient pour la modalité sulfitée à 8 g /hL (figure 1). La flore d’altération reste présente à cette forte dose. Ces données confirment qu’il faut ajouter des doses raisonnables de SO2 afin de maintenir une quantité de SO2 libre suffisante pour protéger le mout.


Bioprotection avec Saccharomyces cerevisiae : Une teneur en acidité volatile correcte


La bioprotection réalisée sur les trois autres cuves n’a pas permis de réduire la flore d’altération à la mi-fermentation (figure 1). Les contrôles effectués montrent que les levures Metschnikowia pulcherrima et Torulaspora delbrueckii ont été détectées mais dans de faibles proportions au début de la FA et à la mi-FA (Tableau II).


Tableau II : Proportion des levures de bioprotection retrouvées au début et à la mi-FA



De plus, elles n’ont apporté aucun avantage au niveau des paramètres œnologiques mesurés à la fin de la FA. Pour ce qui est de Saccharomyces cerevisiae, elle est majoritaire au sein de la flore à la mi-fermentation (Tableau II). Malgré la bonne implantation de cette levure, la flore d’altération reste présente. Toutefois, cette modalité présente une teneur en acidité volatile plus faible que les autres (-0.2 g/L eq H2SO4).

L’étude montre qu’une dose raisonnable de SO2 a permis une réduction de la flore d’altération et reste la solution la plus adaptée dans ces conditions de vendange dégradée. L’utilisation précoce de Saccharomyces cerevisiae, même si elle ne permet pas de réduire aussi fortement la flore d’altération, s’avère être une solution intéressante. Par ailleurs, c’est une solution de bioprotection facile à mettre en œuvre. Les dégustations qui seront réalisées prochainement permettront de voir si le profil sensoriel est également qualitatif !


Figure 1 :  Evolution de la population levurienne en fonction du stade de la fermentation alcoolique pour chacune des modalités