Brettanomyces : lutter contres les biofilms

Modifié le 16/06/2022

La levure Brettanomyces s’accroche au matériel de cave en formant des biofilms. L’Institut Rhodanien, en collaboration avec l’Université de Bourgogne, étudie ce mode de vie « biofilm » afin d’optimiser les nettoyages et désinfections.

Brettanomyces : lutter contres les biofilms

Brettanomyces a la capacité de s’accrocher à des surfaces en formant des biofilms.  L’Institut Rhodanien, en collaboration avec l’Université de Bourgogne, étudie ce mode de vie « biofilm » afin d’optimiser les traitements de nettoyage-désinfection.

 

Les biofilms sont responsables de graves contaminations du produit fini. Mais qu’est-ce qu’un biofilm ? Il s’agit d’une mince couche de microorganismes adhérant à une surface. Ces biofilms colonisent toutes sortes de surfaces et résistent à la plupart des méthodes classiques de nettoyage. Ce mode de vie « biofilm » peut ainsi se montrer très problématique pour la filière vinicole lorsqu’il est composé de microorganismes d’altération comme Brettanomyces.

L’état de propreté microbiologique des surfaces est important au sein d’un chai pour garantir la qualité des vins. La procédure de traitement est habituellement constituée de deux étapes :

-        Une étape de nettoyage à l’aide de détergents qui décrochent les saletés et les microorganismes. Cette étape ne permet pas de tuer les flores présentes.

-        Une étape de désinfection avec une action létale sur les microorganismes et empêchant la recolonisation des surfaces par les germes. Les produits chimiques utilisés pouvant être nocifs pour l’opérateur, des produits alternatifs plus écologiques et moins dangereux sont donc recherchés.

Dans ce contexte, nous avons comparé l'impact de méthodes de nettoyage-désinfection sur deux souches différentes de Brettanomyces développées en biofilm. Pour chacune de ces souches, des biofilms âgés de quatorze jours ont été formés en vin sur des morceaux d’acier inoxydable appelés « coupons ». Les méthodes de nettoyage-désinfection ont ensuite pu être testées sur les biofilms formés en conditions statiques au laboratoire et en conditions dynamiques grâce à un circuit-test pilote développé par l’IFV1 (pôle Val de Loire - Centre) et le CETIM2.


À l’échelle laboratoire : les produits désinfectants ont un effet sur la viabilité.


En comparaison avec l’eau, deux produits désinfectants ont été testés : l’acide peracétique 2%, (habituellement utilisé à la cave expérimentale) et l’acide lactique 10% comme produit alternatif. L’EFSA (European Food Safety Authority) a effectivement publié un rapport sur ce dernier, démontrant son efficacité antimicrobienne et son absence de toxicité comme agent de décontamination dans la filière viande. Les biofilms ont été testés selon la méthodologie expérimentale développée dans l’encadré.

Les résultats sont récapitulés dans le schéma ci-dessous et montrent une réduction significative de la population totale après traitement par les deux désinfectants et par l’eau en comparaison avec le témoin. Ces deux désinfectants ont également un effet significatif sur la diminution de la viabilité des cellules restantes sur le coupon, ce qui n’est pas le cas pour l’eau.

 



Schéma récapitulatif des proportions de cellules détectées sur les coupons avant et après les différents traitements en condition statique

 

Ces données confirment le besoin d’utiliser un produit de désinfection pour inhiber la croissance des microorganismes. De plus, les deux produits présentent le même écart significatif par rapport au témoin. L’acide lactique à cette concentration de 10% et avec un temps de contact de 20 min serait donc une alternative intéressante.


À l’échelle pilote : l’importance d’une procédure complète de nettoyage-désinfection.


Les résultats montrent une réduction de la population viable restante sur le coupon après l’utilisation d’une procédure complète par rapport au témoin. La procédure classique à base de soude et d’acide peracétique permet de diviser significativement la population de cellules viables par vingt comparé au témoin. La procédure alternative avec savon noir et acide lactique se montre quant à elle prometteuse mais nécessite des ajustements à l’échelle dynamique puisqu’elle divise seulement par deux la population viable présente sur les coupons. D’autres essais seront mis en place avec des temps de contact plus longs ou une concentration d’acide lactique plus élevée, afin de déterminer si l’efficacité de cette procédure peut être améliorée.

Pour conclure, l’étude montre que les étapes de nettoyage-désinfection restent essentielles pour limiter les microorganismes d’altération comme Brettanomyces sur les surfaces du matériel vinaire.  Les solutions alternatives à base de savon noir et d’acide lactique se sont montrées performantes : une piste prometteuse pour se diriger vers des solutions de nettoyage plus durables !

 

1IFV : Institut Français du Vin

2CETIM : Centre technique des industries mécaniques


Méthodologie des expérimentations


La première étape consiste à contaminer des supports en acier inoxydable appelés « coupons » en les laissant tremper 14 jours dans un vin contenant une population importante de Brettanomyces. Les essais ont été menés avec deux souches différentes de Brettanomyces : l’une sensible et l’autre résistante aux sulfites. Puis, les différents produits de traitement ont été testés en condition statique et en condition dynamique. Un témoin non-traité permet pour chaque test de connaitre la population formée initialement sur le coupon et ainsi de déterminer l’efficacité du traitement.

En condition statique, les biofilms ont été traités pendant 20 min soit avec l’acide peracétique 2%, soit avec l’acide lactique 10%, soit avec de l’eau. Les populations de levures totales et viables restantes sur les coupons ont ensuite été déterminées à la fin du processus par une numération en cytométrie en flux.

À l’aide du circuit-test, les conditions dynamiques ont pu être mises en œuvre pour comparer deux procédures complètes composées d’un détergent et d’un désinfectant. La première est la technique classique à base de soude caustique 5% et d’acide peracétique 2%, et la seconde est une technique alternative à base de savon noir et d’acide lactique 10%. Les coupons avec les biofilms ont été installés dans le circuit-test. Les biofilms ont été traités par un passage en continu des produits dans le circuit pendant 15 min pour les détergents suivi de 20 min pour les désinfectants. Les populations de levures viables restantes sur le coupon ont été elles aussi déterminées par cytométrie en flux.

Il est à noter qu’aucun effet souche n’a été détecté pour l’ensemble des résultats. Les deux souches testées se comportent donc de la même façon vis-à-vis des conditions de nettoyage mises en place pour ces expérimentations.